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Menaces de Trump sur la régulation des Big Tech : la numéro 2 de la Commission hausse le ton

Pour Teresa Ribera, la vice-présidente de la Commission européenne, l’Europe doit être prête à renoncer à l’accord sur les droits de douane conclu avec les États-Unis, si Donald Trump met à exécution ses menaces de cibler les pays qui « discriminent », via leurs législations sur le numérique, les géants américains. Une position aussi adoptée par Stéphane Séjourné, le commissaire européen à la Stratégie industrielle.

Si Donald Trump nous pénalise pour nos lois sur le Numérique, nous devons nous préparer à renoncer à l’accord sur les droits de douane conclu avec Washington : voilà en substance le message de Teresa Ribera, la commissaire européenne à la Concurrence, rapporté par le Financial Times ce vendredi 29 août. Il s’agit d’un véritable durcissement du ton de la vice-présidente de l’exécutif européen, après les menaces de Donald Trump de cibler les pays qui s’attaqueraient, via leurs législations, aux champions américains du numérique.

En début de semaine, le président américain jetait un pavé dans la mare en déclarant qu’il allait imposer des droits de douane salés à tous les pays dont les taxes, les règles ou les lois sur les entreprises technologiques « discriminent » les États-Unis. « Les taxes numériques, la législation sur les services numériques et les réglementations sur les marchés numériques sont toutes conçues pour nuire ou discriminer la technologie américaine », estimait-il, sans citer directement l’Union européenne et sa législation sur le numérique (comme le DSA, le DMA, ou l’AI Act). Le DMA a pour objectif de rééquilibrer la concurrence sur le marché européen du numérique, plus que dominé par les géants américains.

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« Nous ne pouvons pas être soumis à la volonté d’un pays tiers »

Cette nouvelle sortie de Donald Trump avait glacé Bruxelles, qui se réjouissait encore, quelques jours plus tôt, d’avoir préservé sa législation européenne sur le Numérique, pendant les négociations sur les droits de douane avec Washington. Et jusqu’à présent, membres et portes-parole de la Commission européenne se contentaient de temporiser. Henna Virkkunen, la Commissaire en charge du Numérique, n’a pas commenté la dernière déclaration de Donald Trump. Lors d’un point presse du jeudi 28 août, Bruxelles a répété qu’elle ne se sentait pas concernée par les mots du président américain, puisque ni le DSA, ni le DMA ne discriminaient les entreprises américaines.

Mais cette fois, celle qui est considérée comme la deuxième Commissaire la plus influente, après la présidente de la Commission européenne, adopte une position plus tranchée : « Nous pouvons être aimables, polis, essayer de trouver des moyens de résoudre les problèmes et les divergences, mais nous ne pouvons pas accepter tout ce que (les États-Unis) exigent ». « Nous ne pouvons pas être soumis à la volonté d’un pays tiers », ajoute-t-elle, appelant l’Union européenne (UE) à faire preuve de « courage ». L’UE décide de manière souveraine de la façon dont elle gère et adopte sa propre réglementation, y compris dans le secteur du numérique, a-t-elle répété – une position maintes fois rappelée par plusieurs responsables européens.

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Trump veut rouvrir le dossier sur le numérique ? « “OK, alors il n’y a pas d’accord (sur les droits de douane) ?” »

Fin juillet, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, avait déclaré que l’accord-cadre sur les droits de douane, très critiqué en Europe pour son « déséquilibre en faveur des États-Unis », allait apporter « stabilité et prévisibilité » aux relations transatlantiques. La majorité des exportations européennes vers les États-Unis se voient attribuer un taux de 15 %, pendant que la plupart des exportations américaines vers l’UE se voient exempter de droits de douane.

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Si l’accord a été présenté comme un moyen d’éviter la guerre commerciale, Bruxelles s’était félicitée d’avoir réussi à préserver, pendant la négociation, sa législation sur le Numérique et l’IA. Or, « s’il y a bien une tentative de rouvrir (ce) dossier, la question qui se pose naturellement est la suivante : “OK, alors il n’y a pas d’accord (sur les droits de douane) ?”, a lancé Teresa Ribera chez nos confrères. « Nous ne pouvons pas jouer avec nos valeurs simplement pour répondre aux préoccupations des autres », a-t-elle souligné.

La numéro 2 de l’exécutif européen a également précisé que l’UE ne renoncera pas aux enquêtes en cours qui visent des entreprises américaines, comme X, Apple ou Meta. De manière générale, les géants américains « réalisent d’énormes profits sur le marché (européen), mais ils sont soumis aux mêmes lois et réglementations que tous les autres acteurs, quel que soit le lieu où se trouve leur siège social », a-t-elle ajouté.

Une position aussi adoptée par Stéphane Séjourné, le Commissaire européen à la Stratégie industrielle, qui s’exprimait lors de la Rencontre des entrepreneurs de France, jeudi 28 août. « Pour l’instant, j’ai entendu des intentions et pas des déclarations. Si les intentions se transforment en déclarations, il faudra revoir les conditions de cet accord (sur les droits de douane, NDLR) », a déclaré le Français, dont les propos sont rapportés par Contexte.

C’est « l’attaque de trop » pour Thierry Breton

Mais le plus virulent reste – encore et toujours – l’ex-Commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. Dans une tribune publiée ce vendredi 29 août dans les colonnes du Figaro, le Français ne mâche pas ses mots. Pour celui qui, il n’y a pas si longtemps, envoyait des lettres courroucées aux géants américains du numérique, la dernière sortie de Donald Trump est « l’attaque de trop ». « Jusqu’à quel point accepterons-nous, nous, citoyens de l’Union européenne, la soumission ? », écrit-il. « En continent libre de ses choix et de ses lois, l’Europe reste un marché ouvert. Mais à la condition d’y respecter nos lois. Notre souveraineté démocratique. C’est non négociable. Non monnayable », martèle-t-il encore. 

L’ex-ministre français de l’Économie en profite pour tirer à boulet rouge sur l’accord sur les droits de douane. Le texte est décrit comme imposant, d’un côté, « une nouvelle grille unilatérale de tarifs douaniers » aux Européens, qui « pénalise désormais lourdement tout notre continent », avec, en plus, des engagements d’achat de « 750 milliards de dollars de gaz de schiste et autres hydrocarbures américains ». De l’autre, les Américains ont droit à « des droits de douane ramenés à zéro pour tous les produits américains, y compris agricoles ». Pourtant, écrit-il, « une autre voie que la soumission était possible. Une autre méthode que la capitulation par anticipation pouvait être choisie (…) ». Or, « la capitulation était, nous dit-on, préférable à l’incertitude et aux risques de guerre commerciale. (…) Il fallait soi-disant accepter l’humiliation pour éviter l’instabilité. Si nous ne nous ressaisissons pas, nous aurons et l’humiliation et l’instabilité », prévient-il.

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