Après les grandes déclarations sur la Défense européenne en quête d’indépendance vis-à-vis des États-Unis, l’Allemagne et la France vont-ils parvenir à faire avancer le projet SCAF, le système d’avion de combat du futur européen ? Alors que vendredi 29 août, Emmanuel Macron et Friedrich Merz se réunissent à Toulon avec plusieurs ministres – dont ceux de la Défense, la question reste entière. Berlin accuse ni plus ni moins l’industrie française de l’armement (comprenez, Dassault Aviation) de vouloir diriger seule le projet qui vise, depuis 2017, à remplacer le Rafale français et l’Eurofighter allemand et espagnol à partir de 2040.
Une lettre adressée aux membres du Parlement allemand par le ministère allemand de la Défense, dont Reuters s’est fait l’écho, rapporte que l’industrie française de la défense bloquerait le projet. Cette dernière souhaiterait prendre le contrôle du SCAF. Un mois plus tôt, la même agence de presse révélait que la France souhaitait obtenir une participation d’environ 80 % dans le projet. Si de telles « concessions étaient accordées à l’industrie française », les « conséquences pour les capacités du futur avion de combat et la participation de l’industrie allemande » seraient « graves », alertait la Défense allemande, dans son message.
De quoi faire réagir des députés allemands, à l’image de Christoph Schmid. Le membre de la commission de la défense a déclaré, chez nos confrères, que le gouvernement allemand devait rapidement décider s’il poursuit ou non le projet avec la France. La déclaration vient jeter un pavé dans la mare dans cet épineux dossier, critique pour l’Europe. En début de semaine, Paris et Berlin répétaient pourtant vouloir aplanir les tensions qui entourent le projet.
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Répartition des tâches, propriété intellectuelle…
Le programme SCAF ou FCAS, estimé à plus de 100 milliards d’euros, prévoit le développement d’un avion de combat de 6ᵉ génération (un avion baptisé NGF pour « Next Generation Fighter »), ainsi que des drones (« Remote carriers »), des armements avancés et un cloud de combat, un réseau d’intelligence et de connectivité collaborative.
Sur le papier, trois partenaires, à savoir la France, l’Allemagne et l’Espagne, via leurs industriels de la Défense Dassault Aviation, Airbus Defence & Space et Indra, travaillent sur le futur système, en vue d’assurer une autonomie européenne face aux F-35 américains, et à un autre projet anglo-italien-japonais (le « Global Combat Air Programme » ou GCAP).
Mais dans les faits, la répartition des rôles et de la propriété intellectuelle entre, d’un côté, Dassault, et de l’autre, Airbus et Indra, est l’objet de discussions sans fin. Or le FCAS est sur le point d’entamer sa deuxième phase, qui vise à créer un démonstrateur – un prototype qui demandera des milliards d’euros supplémentaires. Cette seconde étape nécessite que les parties se mettent d’accord. Et ce n’est visiblement pas gagné.
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Le « Combat Cloud », c’est-à-dire le logiciel qui relie tous les systèmes de combat entre eux
Interrogé hier par BFM-TV, Eric Trappier, à la tête de Dassault Aviation, a réexpliqué sa position : « Ce n’est pas à moi de dire que je suis le “best athlete”. Je dis que, naturellement, si je prends l’exemple du Rafale, c’est quand même le meilleur avion de combat construit en Europe ». De son côté, le groupe aéronautique européen Airbus, qui construit l’Eurofighter, l’avion de combat actuel de l’armée allemande, estime qu’il a aussi son mot à dire. Pour ce dernier, il est hors de question de se laisser évincer de ce marché.
Mais le litige sur l’avion de combat est loin d’être le seul sujet de discorde. Selon Christian Mölling, expert en sécurité qui était interrogé par le média allemnd DW, la partie « avion de combat », sur laquelle se cristallisent les tensions, n’est pourtant « pas la technologie la plus importante du FCAS. Les drones sont bien plus importants, et peut-être encore plus important, le « Combat Cloud », c’est-à-dire le logiciel qui relie tous les systèmes de combat entre eux ». Pour preuve : en Ukraine, ce ne sont pas les drones eux-mêmes qui aident l’Ukraine dans sa lutte défensive, mais la mise en réseau de toutes les informations, ajoute-t-il.
« C’est en fait la clé qu’il faut maîtriser, surtout si l’on veut devenir indépendant des Américains ». Et c’est ce que veulent toutes les parties concernées, souligne-t-il chez nos confrères. Comment l’épineux dossier va-t-il se poursuivre ? Pour certains experts, la rencontre de demain ne devrait aboutir qu’à un discours politique. Il serait en effet impossible d’avancer sur des discussions contractuelles, car l’Espagne, le troisième partenaire, ne sera pas, vendredi, à la table des négociations.
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