Le sujet devrait être sur la table lors du sommet UE-Chine qui aura lieu dans moins de vingt quatre-heures : dans le conflit sur des brevets couvrant la 5G entre la Chine et l’Union européenne, Bruxelles vient de gagner une manche. Le 21 juillet dernier, une décision de l’OMC a jugé que Pékin devait cesser ses « injonctions anti-poursuites », des pratiques qui visent à dissuader les entreprises européennes détentrices de certains brevets sur la 3G, 4G et 5G d’engager des poursuites à l’étranger contre des sociétés chinoises.
Ce conflit sino-européen a débuté en 2022. Cette année-là, Bruxelles portait plainte contre la Chine devant l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Selon l’exécutif européen, la Chine aurait violé plusieurs règles de l’OMC. Au cœur de cette affaire se trouvent plusieurs brevets liés aux technologies 3G, 4G et 5G, détenus par des entreprises européennes.
Les entreprises européennes des télécoms sous pression des autorités chinoises ?
Il s’agit de brevets particuliers : les fabricants de certains produits de nouvelle technologie (comme les smartphones) sont obligés d’utiliser les technologies couvertes par ces brevets pour fabriquer leurs appareils. Ces technologies permettent en effet de répondre à des normes industrielles spécifiques, comme celles utilisées dans les communications 3G, 4G et 5G. Dit autrement, qui veut produire certains produits high tech est contraint de négocier des licences avec les titulaires de ces brevets. Comme il s’agit de brevets dits essentiels, leurs propriétaires – donc les entreprises européennes – ont l’obligation de concéder des licences aux fabricants de produits high tech, à « des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires ».
Or, certaines autorités chinoises se sont octroyées le droit de fixer elles-mêmes le montant des redevances que les entreprises chinoises doivent verser aux sociétés européennes, pour la Chine et le monde entier, sans l’accord des principales intéressées, selon Bruxelles. Elles empêcheraient aussi les détentrices de brevets de défendre correctement leurs titres de propriété intellectuelle, en les dissuadant de saisir un tribunal étranger, pour protéger leurs droits. Selon le communiqué publié par Bruxelles en 2022, « les titulaires de brevets qui saisissent des tribunaux en dehors de la Chine se voient souvent infliger des amendes importantes en Chine, une pression qui les pousse à concéder des droits de licence à des taux inférieurs à ceux du marché ».
« Un accès moins onéreux, voire gratuit, à la technologie européenne » pour les entreprises chinoises
Depuis août 2020, les tribunaux chinois ont rendu des décisions qui interdisent aux entreprises européennes de lancer des poursuites devant d’autres juridictions, y compris à l’étranger. Faute de respecter cette interdiction, les récalcitrantes devraient régler des amendes salées de 130 000 euros par jour, déplorait la Commission européenne. Or, « les entreprises de l’UE ont le droit de demander justice dans des conditions équitables lorsque leur technologie est utilisée illégalement », s’indignait Valdis Dombrovskis, commissaire européen au Commerce.
Dans le communiqué de 2022 de Bruxelles, les fabricants chinois de téléphones mobiles étaient directement ciblés. Avec ces mesures, les entreprises chinoises « bénéficient d’un accès moins onéreux, voire gratuit, à la technologie européenne », soulignait alors la Commission. Selon le média Silicon.co, Ericsson et Nokia font partie des victimes de ces pratiques.
« Une victoire importante pour les entreprises de haute technologie » européennes
Et si une première décision de l’OMC avait rejeté les demandes de l’Union européenne en avril dernier, reconnaissant toutefois que la Chine n’avait pas respecté toutes les obligations de transparence de l’OMC, l’instance arbitrale d’appel de l’OMC a jugé – en partie – en sens inverse, le 21 juillet dernier.
Les arbitres d’appel de l’OMC ordonnent en effet à la Chine de modifier sa politique en matière « d’injonctions anti-poursuites ». Selon ces arbitres, ce type de mesures empêche bel et bien les titulaires de brevets de mettre en œuvre leurs droits liés aux brevets – à savoir, empêcher des tiers qui n’ont ni licence ni autorisation d’utiliser, de fabriquer, de vendre ou d’importer le produit breveté.
Pour l’Europe qui a publié un communiqué le mardi 22 juillet, « il s’agit d’une victoire importante pour les entreprises de haute technologie basées dans l’UE, dont les fruits de leurs recherches ont été compromis par les politiques chinoises en question ». Cette décision « garantit que les entreprises européennes peuvent continuer à défendre leur propriété intellectuelle devant les tribunaux européens. Cela permettra aux innovateurs européens d’être récompensés à leur juste valeur pour les investissements considérables qu’ils consacrent à la recherche et au développement », écrit l’exécutif européen. De son côté, le ministère chinois du Commerce a déclaré, dans les colonnes du China Daily, qu’il évaluerait attentivement la décision. La Chine a désormais 90 jours pour se mettre en conformité avec les règles de l’OMC.
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