Derrière la façade bonhomme de Nintendo, se cache un redoutable procédurier qui sait parfaitement défendre ses intérêts, comme on le voit régulièrement dans la guerre menée contre les émulateurs ou les vendeurs de solutions permettant de jouer à des jeux piratés sur la Switch. Même si les méthodes employées par l’armée d’avocats-ninjas de Nintendo sont parfois contestables, on peut trouver ces batailles légitimes car après tout, l’entreprise a bien le droit de défendre son bifteck.
Nintendo transforme une mécanique banale en arme juridique
En revanche, la dernière manœuvre de Nintendo pourrait bien passer pour le coup de trop. L’USPTO, l’office américain des brevets, vient d’accorder au constructeur un titre juridique portant non pas sur une invention technique précise, mais sur des mécaniques de gameplay décrites de manière si large et si floue qu’il pourrait, s’il en avait l’envie, chercher noise à une bonne partie de l’industrie vidéoludique. Et ce n’est pas une hyperbole.
Le brevet 12,403,397 relayé par Gamesfray décrit la possibilité pour un joueur d’invoquer un personnage secondaire sur le terrain. Ce personnage se mettra à combattre un ennemi déjà présent. Le document prévoit deux variantes : un premier mode où le combat progresse sur la base des commandes du joueur, et un second mode où l’affrontement se déroule automatiquement selon des règles établies par le programme.

Il est également question de la coexistence entre le personnage principal et l’allié invoqué, chacun pouvant agir dans la scène, ce qui élargit les possibilités de contrôle et de stratégie. Ces formulations évoquent immanquablement les mécaniques de jeu à l’œuvre dans Pokémon, et ça n’est pas un hasard : Nintendo a porté plainte l’an dernier contre le studio Poketpair, ce dernier étant accusé d’avoir pompé ces fameuses mécaniques dans son jeu Palworld.
Le hic, c’est que ce brevet recouvre des innovations tellement larges qu’elles recouvrent quantité de jeux existants, du RPG classique à l’action-aventure moderne. Nintendo n’a pas indiqué s’il comptait porter plainte contre une myriade de studios pour défendre ses « inventions », mais ça ne serait pas forcément une bonne idée : un brevet peut être invalidé en justice. Néanmoins, l’ombre portée par ce brevet est telle que bon nombre de développeurs risquent d’y réfléchir à deux fois avant d’utiliser ces mécaniques très courantes. Les menaces d’une longue et coûteuse procédure en justice sont souvent très efficaces.
Interrogé par PCGamer, l’avocat Kirk Sigmon, spécialiste des brevets dans le secteur du jeu vidéo, estime que l’attribution de ce brevet à Nintendo représente une « faillite embarrassante » du système américain. Pour lui, l’USPTO n’a pas fait son travail correctement, les revendications de Nintendo n’ont pas été examinées en profondeur.
« À mon avis, aucun des brevets [attribués récemment par Nintendo] n’aurait dû être accordé. C’est choquant et révoltant qu’ils l’aient été », affirme-t-il. « L’USPTO a complètement failli à sa mission, et cela va reporter beaucoup d’incertitudes (et, potentiellement, de coûts de contentieux) sur des développeurs et des entreprises qui ne le méritent pas. »
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