Le gouvernement anglais, dont le pedigree en matière de numérique n’est guère reluisant — comme le démontre la rocambolesque affaire de la porte dérobée dans iCloud — , ouvre un nouveau front polémique. Le Premier ministre Keir Starmer a annoncé la mise en place d’une nouvelle carte d’identité numérique obligatoire pour avoir le droit de travailler. Accessible à tous les citoyens et résidents légaux, ce document remplacera les contrôles papier et « simplifiera l’accès à de nombreux services publics comme les permis de conduire, les prestations sociales ou les dossiers fiscaux ».
Une carte obligatoire pour trouver du travail
Cette identité, stockée sur smartphone, servira aussi et surtout de preuve lors des démarches liées à l’emploi. Il s’agit très clairement d’un nouvel outil de lutte contre l’immigration illégale. « L’identité numérique représente une formidable opportunité pour le Royaume-Uni », explique Keir Starmer. « Elle rendra plus difficile le travail illégal dans ce pays, renforçant ainsi la sécurité de nos frontières. Elle offrira aussi aux citoyens de nombreux avantages, comme la possibilité de prouver rapidement leur identité pour accéder à des services essentiels, sans avoir à chercher une vieille facture d’électricité. »
Cette initiative pose plusieurs problèmes. D’une part, le fait que l’identité numérique soit obligatoire : tout le monde n’a pas nécessairement de smartphone, ou même les capacités techniques de réaliser les manipulations nécessaires pour enregistrer son identité en ligne. Sur ce point, le Premier ministre annonce un programme d’accompagnement, y compris une aide « en face à face » pour les citoyens ayant des difficultés avec les appareils électroniques.
D’autre part, il se pose la question de la sécurité. Le 10, Downing Street a beau rassurer en mettant en avant « une sécurité de haut niveau » et un chiffrement « à la pointe du progrès », on peut très sérieusement douter des capacités du gouvernement anglais dans ce domaine. Si même les plus grandes entreprises du monde ne parviennent pas à assurer la sécurité de leurs utilisateurs — l’actualité nous le rappelle quotidiennement —, comment les autorités britanniques le pourraient-elles ?
Et puis cette carte d’identité numérique obligatoire est un casse-tête éthique. Une pétition signée par plus d’un million de citoyens britanniques (en une journée !) montre les inquiétudes d’une partie de la population qui craint la surveillance généralisée qu’un tel projet rend possible. « Nous pensons qu’il s’agirait d’un pas vers une surveillance de masse et un contrôle numérique, et que personne ne devrait être contraint de s’inscrire à un système d’identité contrôlé par l’État », explique la pétition qui réclame a minima un débat au Parlement.
Le gouvernement est désormais en phase d’écoute de tous les points de vue, et une consultation publique sera lancée d’ici la fin de l’année. Il existe bien évidemment d’autres systèmes de cartes d’identité numériques ailleurs dans le monde, comme l’app France Identité ou le portefeuille européen d’identité numérique. Mais ils ne sont pas obligatoires pour trouver du travail.
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