Londres serait-elle sur le point de reculer dans le dossier Apple et ses services chiffrés, sous pression de Donald Trump ? Selon le Financial Times ce lundi 21 juillet, le gouvernement britannique de Keir Starmer « devrait, (sur ce dossier NDLR) probablement reculer face à la pression » de Washington, y compris du vice-président américain JD Vance. Downing Street, qui est en train de négocier des accords technologiques avec les États-Unis sur l’IA et les données, avait ordonné en janvier dernier à Apple d’accéder aux données chiffrées du cloud de tous ses clients, notamment via la mise en place de portes dérobées – les fameuses « back doors », sur la base de « l’Investigatory Powers Act », une loi de 2016.
Le gouvernement britannique, à l’image de certains membres du gouvernement français, estime qu’il est essentiel de percer le bouclier de chiffrement des messageries à des fins de lutte contre le terrorisme et la pédocriminalité. Le Royaume-Uni, qui dispose de « garanties solides et d’un contrôle indépendant pour protéger la vie privée », pourrait exiger ces accès « qu’à titre exceptionnel, en relation avec les crimes les plus graves », avait expliqué le ministère de l’Intérieur britannique.
Pour éviter d’avoir à répondre à cette demande, Apple avait désactivé, le 24 février dernier, une de ses fonctionnalités chiffrées dans le pays, « la fonction de protection avancée des données (ADP) d’iCloud ». Cette dernière permet à l’utilisateur de stocker la quasi-totalité de ses données dans le nuage d’iCloud, en les chiffrant de bout en bout.
La firme de Cupertino a aussi attaqué en justice la demande devant l’Investigatory Powers Tribunal, qui examine les plaintes déposées contre les services secrets britanniques. Mais depuis, le dossier n’a toujours pas été réglé. Mais il serait sur le point de trouver un dénouement selon nos confrères, qui expliquent se baser sur le témoignage de plusieurs hauts fonctionnaires du secteur.
Les US ne « veulent pas que nous nous mêlions de leurs entreprises technologiques »
Pour l’une de ces sources, interrogées par le quotidien britannique, « le vice-président américain est très mécontent de cette situation, qui doit être résolue. Le ministère de l’Intérieur (britannique, NDLR) va devoir faire marche arrière ». Pour un deuxième fonctionnaire, « l’un des défis pour les partenariats technologiques sur lesquels nous travaillons est la question du chiffrement. Il s’agit d’une ligne rouge importante pour les États-Unis, qui ne veulent pas que nous nous mêlions de leurs entreprises technologiques », a-t-il déclaré à nos confrères. Londres, aujourd’hui « dos au mur », a très mal géré la question du chiffrement d’Apple : « C’est un problème que le ministère de l’Intérieur a lui-même créé et il travaille actuellement à le contourner », poursuit-il.
Aucun consensus ne se dégagerait du gouvernement travailliste, très divisé sur ce dossier. Et si « à ce stade, le gouvernement n’a pas reculé », Londres serait réticente à rejeter « tout ce qui ressemble, pour le vice-président américain, à une question de liberté d’expression », selon un troisième haut fonctionnaire du secteur, questionné par le quotidien économique. Cette pression « limite ce que nous pourrons faire à l’avenir, en particulier en ce qui concerne la réglementation de l’IA », a-t-il ajouté. Le gouvernement travailliste a reporté ses velléités de réglementation de l’IA, après des critiques des États-Unis.
La pression de l’administration Trump aussi en Europe
La technologie de chiffrement, qui permet à des conversations ou des documents de n’être visibles que par les détenteurs d’une clé qui permet de les déchiffrer, est attaquée depuis des années par des gouvernements, y compris européens. Si les services chiffrés comme ceux d’Apple, de WhatsApp, de Telegram, de Signal ou encore d’Olvid sont très utilisés par des citoyens et des entreprises, ils le sont aussi par la grande criminalité.
À lire aussi : Pourra-t-on encore avoir des conversations privées, si la loi impose des « portes dérobées » à WhatsApp, Telegram ou Signal ?
En France, des amendements d’un projet de loi prévoyaient un accès similaire, avant d’être finalement supprimés. Outre Atlantique, la demande de portes dérobées du Royaume-Uni avait créé des remous : elle avait provoqué l’ire du président américain Donald Trump, qui a comparé l’ordonnance britannique à de la « surveillance chinoise ».
En février dernier, Donald Trump avait déclaré au premier ministre britannique : « Vous ne pouvez pas faire ça », comparant la demande d’accès à des données chiffrées à « quelque chose […] dont vous entendez parler (lorsqu’il est question) de la Chine ». Tulsi Gabbard, à la tête du Renseignement américain, a également suggéré que l’ordonnance britannique constituait une « violation flagrante » de la vie privée des Américains.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, de nombreux gouvernements hésitent à davantage réglementer ou taxer les champions américains du Numérique ou de l’intelligence artificielle, l’administration américaine brandissant la menace de représailles commerciales, comme des droits de douane salés. Le Canada a, fin juin, renoncé à sa taxe sur les géants de la Silicon Valley.
En Europe, la pression sur les régulateurs est aussi forte, ces derniers demandant une pause dans le règlement sur l’IA pourtant entré en vigueur en août dernier, ou une pause dans l’application du DSA ou du DMA, les amendes encourues en cas de violation étant comparées à des impôts déguisés contre les entreprises américaines.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.