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Ce satellite de la NASA avait une fonction cachée vitale, il va pourtant être détruit

Sur ordre de la Maison-Blanche, la NASA prépare la fin de deux de ses missions climatiques phares. Une décision controversée qui pourrait mener à la destruction d’un satellite de pointe et priver le monde de données jugées essentielles.

C’est une directive qui a l’odeur du soufre, dernier acte d’une guerre feutrée mais acharnée menée dans les couloirs de Washington. Selon plusieurs employés et anciens cadres de l’agence spatiale, l’ordre venu d’en haut est sans équivoque : élaborer des plans de « Phase F », soit le jargon de la NASA pour la fin de mission. Les cibles sont les satellites OCO-2 et son jumeau OCO-3, deux instruments uniques au monde qui surveillent le pouls de notre planète.

Si le plan va à son terme, OCO-2 sera détruit en rentrant dans l’atmosphère, privant sciemment scientifiques, agriculteurs et stratèges de la sécurité nationale de données inestimables. Une décision qui, pour beaucoup, relève bien plus de l’idéologie que de la raison, et qui signerait un point de non-retour pour un instrument que la NASA elle-même qualifiait, en 2023, de « qualité exceptionnellement élevée ».

Leur crime est d’être les deux seules missions fédérales américaines spécifiquement conçues pour cartographier le dioxyde de carbone (CO2) à l’échelle du globe, ce gaz à effet de serre au cœur des préoccupations climatiques.

Un « heureux hasard » aux bénéfices inestimables

Ironiquement, la valeur de ces missions dépasse de loin leur objectif initial. Les scientifiques se sont vite rendu compte que les capteurs des OCO mesurait, par un « heureux hasard », un phénomène lumineux lié à la photosynthèse. Résultat, ils produisent des cartes mondiales d’une précision inédite sur la santé et la croissance des végétaux.

Ces données ne sont pas que des curiosités de laboratoire. Elles sont utilisées par le Département de l’Agriculture américain pour prévoir les rendements des récoltes, par des entreprises privées pour anticiper les sécheresses, et par des analystes pour évaluer les risques d’instabilité politique. « Les mauvaises récoltes sont un moteur majeur des migrations de masse », rappelle David Crisp, qui a conçu les instruments avant de prendre sa retraite. Et d’ajouter : « C’est une question de sécurité nationale, sans aucun doute ».

Un calcul économique et scientifique absurde

Alors, pourquoi saborder une telle ressource ? L’argument budgétaire peine à convaincre. La conception et le lancement des deux missions ont coûté environ 750 millions de dollars. Leur maintien en orbite ne s’élève qu’à 15 millions par an, une goutte d’eau dans le budget de la NASA. « D’un point de vue purement économique, il est insensé de mettre fin à des missions qui rapportent des données aussi précieuses », martèle David Crisp.

Des employés actuels, s’exprimant sous couvert d’anonymat par peur de représailles, confirment que la demande émane de la volonté de l’administration d’appliquer les coupes prévues dans le projet de budget 2026, avant même qu’il ne soit voté. Une démarche qui fait bondir au Congrès.

Le bras de fer politique est engagé

« Le Congrès a le pouvoir de la bourse, pas Trump », a fustigé par écrit la députée démocrate Zoe Lofgren. Dans une lettre envoyée en juillet à l’administrateur de la NASA, elle et d’autres élus dénoncent une manœuvre « catastrophique » et potentiellement « illégale », accusant la Maison-Blanche de vouloir geler des fonds déjà alloués par le pouvoir législatif.

L’ombre de Russ Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget (OMB) et figure de proue de Project 2025, une feuille de route conservatrice visant à démanteler ce qu’il nomme le « fanatisme climatique », plane sur cette affaire. Bien que son bureau nie toute implication directe, la volonté de « défaire » les politiques environnementales est un marqueur de l’administration actuelle.

Face à la pression, la NASA explore une privatisation partielle comme porte de sortie. L’agence a récemment lancé un appel pour que des entreprises ou des universités prennent en charge les coûts de l’instrument OCO-3 sur l’ISS. Une solution qui inquiète la communauté scientifique, qui craint que la pérennité et l’accès public à ces données fondamentales ne soient sacrifiés sur l’autel d’intérêts privés.

Au-delà de ces deux missions, c’est bien l’avenir de la recherche climatique américaine qui est en jeu. En choisissant de détruire ses propres outils d’observation, l’Amérique ne ferait pas seulement une croix sur un investissement colossal. Elle choisirait, délibérément, de devenir plus aveugle au monde qui change. Un monde qu’elle prétendait pourtant vouloir diriger.

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Source : NPR


Thomas Estimbre