Mise à jour 4h — Apple a annoncé son intention de faire appel de la décision, mais va tout de même respecter l’injonction de la cour. La déclaration complète tient en une ligne : « Nous sommes fermement en désaccord avec cette décision. Nous allons nous conformer à l’ordonnance du tribunal et nous allons faire appel ». Le dossier est encore très loin d’être terminé, mais dans l’intervalle, il faut s’attendre à de gros changements dans l’App Store, au moins aux États-Unis.
Article original, 2h — À un peu plus d’un mois de ce qui devait être la fête de la WWDC, Apple a essuyé une défaite judiciaire spectaculaire qui va l’obliger à faire de profonds changements dans la manière dont les développeurs et les utilisateurs se servent de l’App Store. Dans le cadre de la longue saga judiciaire qui l’oppose à Epic Games, la juge Yvonne Gonzalez Rogers a donné son verdict. Il est sanglant.
Parjure d’un vice-président d’Apple
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le constructeur a franchi la ligne rouge aux yeux de la justice, en tentant de préserver à tout prix sa rente sur les achats in-app — quitte à contourner les règles imposées par le tribunal.
Très concrètement, Apple doit mettre immédiatement fin à plusieurs pratiques de l’App Store :
- Plus aucune commission ne peut être prélevée sur les achats réalisés en dehors de l’app, par exemple via un lien vers le site du développeur. Le taux de 27 % appliqué jusqu’ici est jugé illégal.
- Les développeurs doivent pouvoir insérer librement des liens, boutons ou « appels à l’action » dans leurs apps, sans restriction de style, d’emplacement ou de langage.
- Apple ne peut plus imposer d’écrans d’avertissement dissuasifs (ce qu’on appelle des « scare screens ») quand un utilisateur clique sur un lien sortant.
- L’usage de liens dynamiques menant à une page produit précise (et non une page générique) doit être autorisé.
- Il est également interdit d’exclure certaines catégories d’apps ou de développeurs de ces nouvelles règles.
Autrement dit, plus rien n’empêcherait un jeu iOS (au hasard Fortnite) de diriger les joueurs vers sa boutique en ligne pour qu’ils puissent acheter des gemmes, de l’argent type V-Bucks, ou d’autres objets virtuels. Le tout, sans aucune commission à verser à Apple !
Pour la firme à la pomme, c’est un énorme revers, au vu de la manière dont elle a protégé bec et ongles les revenus tirés de sa boutique depuis toujours. Et pour cause : c’est une véritable rente pour le constructeur. Enfin… c’était, visiblement, puisque l’entreprise doit changer tout ça, et immédiatement.
Lire Achats en dehors de l’App Store : Apple au piège de sa propre commission
Et la juge n’y est pas allée de main morte pour dénoncer la manière dont Apple s’y est pris pour défendre son bifteck durant le procès. Il y a d’abord le cas extrêmement embarrassant du vice-président aux finances, Alex Roman, qui a tout simplement menti sous serment durant le procès — et on ne plaisante pas avec le parjure aux États-Unis.
Le dirigeant aurait affirmé que la décision d’imposer une commission de 27 % sur les achats effectués via des liens externes avait été prise tardivement, alors que des documents internes montrent qu’Apple avait prévu cette stratégie de longue date. « Apple savait exactement ce qu’elle faisait », écrit la juge, qui dénonce des documents « fabriqués pour le procès » !
La juge reproche aussi à Apple d’avoir dissimulé l’existence d’une réunion stratégique tenue en juin 2023, à laquelle participait Tim Cook en personne. L’objet de cette réunion : déterminer comment se conformer (ou non) à l’injonction judiciaire de 2021. Apple n’a révélé cette réunion au tribunal que cette année, en 2025, soit bien après les faits. Pire encore, l’entreprise aurait abusé du secret professionnel pour refuser de transmettre certains documents relatifs à cette discussion, en violation des obligations de transparence imposées par la justice.
La magistrate a saisi les procureurs fédéraux pour qu’ils envisagent des poursuites pour outrage criminel, tant contre Alex Roman que contre Apple elle-même.
Tim Sweeney, le patron d’Epic Games, a annoncé que Fortnite — dont la suppression de l’App Store durant l’été 2020 a allumé toute cette affaire — reviendra sur iOS « la semaine prochaine ». Il ajoute que si Apple étend le cadre très strict, et encore une fois immédiat, défini par la cour, « nous remettrons Fortnite sur l’App Store partout dans le monde et abandonnerons les poursuites en cours et à venir sur ce sujet ». Une branche d’olivier qu’Apple serait probablement bien avisée de saisir.
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