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France Travail est soupçonné d’utiliser des « robots » pour « contrôler » les chômeurs

France Travail (ex Pôle emploi) est à nouveau épinglé par la Quadrature du Net pour le recours à des algorithmes qui seraient utilisés pour contrôler les bénéficiaires d’indemnités chômage ou du RSA. Ce vendredi 23 mai, l’administration a confirmé utiliser des « robots algorithmiques » dont la fonction principale est de synthétiser la situation des demandeurs d’emploi. « En aucun cas l’algorithme ne propose de sanctions », assure France Travail.

Note de la rédaction : cet article publié le jeudi 22 mai a été modifié ce vendredi 23 mai pour ajouter la réaction de France Travail. 

Après les algorithmes qui « accompagnent » les demandeurs d’emploi, des algorithmes qui « contrôlent » les bénéficiaires de France Travail (ex-Pôle emploi) ? La Quadrature du Net, une association de défense des droits numériques, accuse l’administration en charge d’accompagner les demandeurs d’emploi d’avoir déployé des « robots visant à automatiser et massifier le contrôle des personnes inscrites à France Travail ».

Dans un article publié sur son site Web, jeudi 22 mai, l’organisation estime qu’il s’agit d’un cran de plus dans ce qui est décrit comme « un dangereux projet de gestion algorithmique des personnes sans-emplois ». L’année dernière, l’association avait déjà ciblé France Travail et la CAF pour son recours à des « outils automatisés déshumanisant le travail des conseillers » ou « notant ses allocataires ». 

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Un « contrôle social via les outils numériques » dénoncé

Selon cette organisation, des personnes inscrites à France Travail ou au RSA, depuis le 1er janvier dernier, font l’objet d’un profilage algorithmique, ces dernières étant classées selon différents « degrés de suspicion ». Or, « la massification des contrôles, via leur automatisation, fait porter un risque réel de répression sociale à grande échelle ». De quoi constituer « une extension sans fin du contrôle social via les outils numériques par les institutions de protection sociale », déplore l’association sur son compte LinkedIn.

Toujours selon l’ONG, l’administration en charge d’accompagner les demandeurs d’emploi a réorganisé son processus de contrôle de ses bénéficiaires. L’objectif du gouvernement serait d’ailleurs d’arriver à « 1,5 million de contrôles […] à l’horizon 2027 » rapporte la Quadrature, citant une déclaration de mars 2024 de Gabriel Attal. Le premier ministre d’alors avait annoncé qu’à la fin du quinquennat, il y aurait trois fois plus de contrôles sur les demandeurs d’emploi qu’en 2023.

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Et la loi dite « Plein Emploi » de décembre 2023, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, aurait permis d’intensifier les contrôles actuels. Cette législation, connue pour imposer 15 heures d’activité hebdomadaire aux demandeurs d’emploi, aurait étendu le pouvoir de contrôle et de sanctions des personnes au RSA, avance la Quadrature du Net.

Dans son article, l’organisation dénonce le déploiement « de robots » d’aide destinés aux personnes chargées de contrôler les demandeurs d’emploi. Ces solutions algorithmiques permettraient d’analyser les dossiers des bénéficiaires de cette administration. Avec ces outils, les contrôleurs de France Travail seraient censés gagner du temps et de la productivité – ce qui reviendrait de fait à augmenter les contrôles réalisés, souligne l’association.

Les demandeurs d’emploi classés en trois niveaux

Dans le détail, ces solutions algorithmiques classeraient les personnes sélectionnées selon « divers degrés de suspicion », basés sur les données personnelles de chaque demandeur d’emploi, explique l’association. Trois niveaux seraient prévus : « clôture » (pas de suspicion), « clôture potentielle » (suspicion moyenne) ou « contrôle potentiel » (suspicion forte).

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L’ONG, qui déplore le manque de transparence de l’ancien Pôle emploi sur les algorithmes qui seraient utilisés, s’est basée sur un document interne, communiqué aux équipes de contrôle de France Travail il y a quelques mois. Le texte liste plusieurs « indices » permettant de classer les manquements des demandeurs d’emploi contrôlés, ces éléments ayant été notés selon leur niveau d’importance. Dans cette liste, on trouve notamment, souligne l’organisation :

  • « l’absence de périodes récentes de travail ou de formation,
  • l’absence de mobilisation des outils numériques mis à disposition par France Travail (offres, CV ou carte de visite en ligne),
  • l’absence de contact avec son ou sa conseillère ;
  • les résultats des derniers contrôles de recherche d’emploi,
  • l’absence de candidatures envoyées via le site de France Travail ou encore
  • le non-respect des 15 « heures d’activité » prévue par la loi Plein Emploi ».

France Travail confirme qu’elle utilise bien « un robot algorithmique », mais « aucune décision n’est prise mécaniquement »

Contacté par 01net.com, France Travail nous a confirmé, ce vendredi 23 mai, qu’il y avait bien un « nouveau système » de « contrôle de la recherche d’emploi ». Mais ce dernier « remplace un système de sanction parfois très automatique et très administratif qui prévalait dès la première absence à un RDV ».

« Pour faire gagner du temps à nos 600 conseillers en charge du contrôle », ces derniers utilisent bien « un robot algorithmique » dont la « principale fonction » est de « synthétiser le dossier du demandeur d’emploi ». « En aucun cas l’algorithme ne propose de sanctions », ajoute France Travail. La solution algorithmique « fait une proposition soit de clôture, soit d’approfondissement du dossier du demandeur. De plus, l’action de clôturer ou d’aller plus en profondeur du dossier est toujours prise par un conseiller France Travail. Aucune décision n’est prise mécaniquement », assure l’administration chargée d’accompagner les demandeurs d’emploi.

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Source : Article de la Quadrature du Net du 22 mai 2025