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Comment sont reconditionnés les smartphones en France ? On a visité Reborn, le fournisseur de Darty, la Fnac et Boulanger

Alors que les smartphones reconditionnés séduisent près de 20 % des Français, 01net.com s’est rendu chez Reborn près de Nice d’où sortent près de 450 000 smartphones reconditionnés chaque année. Ambiance mi-laboratoire, mi-atelier de bricolage, brosses à dents électriques, sas de sécurité digne d’un aéroport… Voici ce que nous en avons retenu.

« Reborn ? Non, connait pas ». À Carros à quelques kilomètres de Nice, il nous faut plusieurs minutes et un coup de fil pour localiser le reconditionneur Reborn, dans la dernière rue à flanc de montages de la zone industrielle du Broc. Aucun nom ou logo n’indique l’entreprise d’origine monégasque, dont l’ambition est de devenir « le plus grand reconditionneur européen ». La relative confidentialité des lieux prendra bientôt fin, car Reborn, créée en 2016, est en passe de s’agrandir de quelque 7 200 m² dans les prochains mois. Et cette fois, son nom sera bel et bien affiché en haut d’un futur building « deux fois plus haut que le bâtiment actuel », prévu pour fin 2026, s’enthousiasme Roger-David Lellouche, à la tête de l’entreprise.

Avec cette nouvelle étape, la société aux 120 employés, qui vend ses smartphones reconditionnés chez la Fnac, Darty, Boulanger, Orange, Bouygues et Leclerc, changera de dimension. Ses effectifs passeront de 120 à 320 salariés, la capacité de production sera multipliée par trois, et elle l’espère, le « chiffre d’affaires de 100 millions d’euros enregistré en mars 2024 pour le reconditionné » suivra la même voie. Le groupe compte s’attaquer aux pays européens, et prendre quelques pourcentages de plus dans l’Hexagone. En France, le marché, qui a conquis plus de 20 % des Français, est disputé par d’autres reconditionneurs locaux (YesYes, Recommerce, Smaaart, Largo, Certideal…) et les « intermédiaires » (BackMarket, CDiscount ou Amazon), régulièrement accusés de concurrence déloyale par les sociétés françaises.

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Neuf ans plus tôt pourtant, dans le « garage » qui abritait alors la toute jeune Reborn, rien ne laissait présager que de tels objectifs seraient visés en 2025.  En 2003, Roger-David Lellouche rejoint DPA Europe. Cette société, fondée par son père Claude Lellouche en 1976, est spécialisée dans la fabrication d’autoradios, de systèmes de navigation portable et de systèmes de vidéo embarquée. « Pendant ces années-là, l’autoradio, c’était quelque part le smartphone de l’époque, tout le monde voulait avoir la dernière technologie dans sa voiture », se remémore en souriant le dirigeant.

Reborn Pdg
© 01net.com. Roger-David Lellouche dans ses locaux le 17 juillet 2025.

« On voulait être plus écoresponsable, avoir notre propre site de production »

Mais au fil des années, le Monégasque s’aperçoit « que le marché de l’autoradio est un marché en déclin, dans la mesure où les systèmes sont de plus en plus intégrés ». En 2016, c’est le tournant. « On s’est demandé dans quelle direction aller : on voulait être plus écoresponsable, avoir notre propre site de production », se souvient-il. Or dans le secteur des smartphones, il remarque que « les iPhone gardaient une grande valeur dans le temps, et que c’était un produit qui se revendait souvent de la main à la main. Donc, on s’est dit, pourquoi ne pas organiser ça en donnant des gages aux consommateurs », développe-t-il. Alors que le marché du reconditionné est balbutiant, le trentenaire d’alors lance Reborn, une branche de DPA, et s’entoure d’une première équipe.

Tous investissent « ce garage de la zone industrielle » de la banlieue de Nice où toutes les étapes du reconditionnement sont réalisées. Puis l’équipe finit par traverser la rue et investir les locaux actuels. Même si, près de dix ans plus tard, il faut à nouveau repousser les murs. En 2024, 650 000 appareils ont été reconditionnés dans ces locaux, dont 485 000 smartphones et 100 000 AirPods. Les chiffres devraient encore monter en 2025, le groupe se positionnant comme « le reconditionneur capable de faire du volume et de la qualité », nous précise Roger-David Lellouche. Et en ce mois de juillet 2025, le constat est là : « on se sent un peu à l’étroit ici », confesse Sylvain Dermineur. Le directeur du site joue des pieds et des mains pour adapter les locaux et les effectifs en fonction des demandes et des stocks à conditionner.

Chez Reborn, tout commence et tout finit à l’entrepôt de stockage – un bâtiment où les produits à reconditionner (smartphones, MacBook et AirPods) arrivent principalement d’Europe, des États-Unis et d’Asie (« du Japon », nous précise-t-on) par avion ou par bateau. « La logistique, c’est le nerf de la guerre », souffle en coup de vent Jéromine, qui gère cette partie à l’international. Dernièrement, « on a eu des aléas du transport maritime, avec des bateaux retardés au port, des containers qui sont déchargés en dernier sur les bateaux qui arrivent à Marseille » et qu’il faut ensuite rapatrier ici, ajoute-t-elle.

Un sas de sécurité digne d’un aéroport

Un peu plus loin, ce sont au contraire les smartphones prêts à être expédiés qui sont stockés : tous ceux passés par « le plateau de production », un étage d’un autre bâtiment dans lequel le smartphone est testé, classé, ses pièces défaillantes changées et vérifiées avant d’être briqué puis scellé dans une boîte en carton recyclée.

Pour s’y rendre, il faut passer par un portique et un sas de sécurité digne d’un aéroport, avant d’arriver dans un grand open space mi-laboratoire, mi-atelier de bricolage, où le smartphone va être l’objet de toutes les attentions. Le plateau est divisé en différents « pôles » par lesquels passent tous les appareils — en tout, 54 points de contrôle sont contrôlés.

Dans le premier, Philippe, qui a rejoint Reborn deux jours plus tôt en raison d’un « surplus d’activité », est en pleine « préparation » des smartphones reçus. Il ouvre les colis et branche un à un les portables empilés à l’intérieur. Les appareils sont alors directement connectés à un logiciel qui va effacer les données, opérer les mises à jour, et tester la vitesse de charge.

Reborn Premiere Etape Preparation
© 01net.com.

Une fois ce cap franchi, les smartphones, AirPods ou MacBook passent par l’atelier de tests techniques. Ce matin-là, Tatiana est en train de vérifier la traçabilité de plusieurs smartphones et de leurs pièces détachées. Elle doit s’assurer que les appareils n’ont pas été blacklistés après un vol, ni « jailbreakés » (la modification du logiciel d’exploitation sans autorisation), ni enrôlés (bridés à certaines fonctionnalités).

À quelques pas, un de ses voisins vérifie, à une vitesse déconcertante, le bon fonctionnement de cinq smartphones alignés sur son bureau. Les caméras, la partie tactile de l’écran, le micro, les hauts parleurs et les écouteurs internes sont passés au crible. L’étape permet de classer et de littéralement dresser pour chaque appareil « une sorte de carte d’identité de son téléphone » qui sera bientôt transmise au consommateur à compter de 2027 – l’Union européenne imposera un passeport numérique pour tous les produits reconditionnés. 

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« Des brosses à dents électriques, des cures dents, des limes à ongles, et même un kit de lustrage de carrosseries »

Si des pièces ont besoin d’être changées, les remplacements sont opérés au pôle technique, un peu plus loin dans l’open space. Maxime, une sorte de loupe frontale vissée sur la tête qui lui donne des airs de « Doc » de Retour vers le futur, est justement en train d’ouvrir un iPhone 14 pour changer une batterie qui fonctionne toujours, mais qui a fait trop de cycles, selon les critères de Reborn.

L’opérateur enlève la pièce détachée, retire l’adhésif à l’aide d’une fine spatule, puis pose à la place une nouvelle batterie avant de la reconnecter. Les plaques de sécurité à nouveau en place, on revisse le tout, et le tour est joué. Dans cet atelier, les employés utilisent des viseuses, des pistolets à air chaud, à colle, des perceuses, des disqueuses, de quoi microsouder des smartphones désossés… Mais ils usent aussi d’objets plus surprenants, comme « des brosses à dents électriques, des cures dents, des limes à ongles, et même un kit de lustrage de carrosseries ». Ces « outils », proposés par les techniciennes et les techniciens pour réparer et effacer certains défauts, se sont parfois révélés efficaces pour nettoyer des écrans ou colmater des châssis endommagés.

Reborn Remplacement Batterie
© 01net.com.

« Il y a même une boîte à chat », plaisante Sylvain Dermineur, le directeur du site, en ouvrant une valisette posée au pied de chaque opérateur, dont l’intérieur ressemble effectivement à une litière. Le dispositif permet en fait d’isoler en quelques secondes une batterie qui aurait été malencontreusement percée et qui pourrait prendre feu quasi-immédiatement. En cas de doute, l’employé enferme l’appareil dans la valise et met fin à tout risque d’incendie… et de brûlure.

Une fois l’appareil retesté, il passe dans les mains du pôle esthétique où sont utilisées les fameuses brosses à dents électriques. Les smartphones, divisés en deux grades (Phoenix, correspondant à un état excellent, et BBack, moins bien, mais fonctionnel) sont enfin mis en boîte. Le packaging est scellé et prêt à être expédié. Tout au fond du plateau, une salle un peu à part regroupe le SAV du groupe où les appareils sous garantie de 12 ou 24 mois sont renvoyés par des clients : ces derniers sont auscultés avant de repasser par le cycle de reconditionnement du plateau, si nécessaire.

Reborn Brosse À Dent Électrique
© 01net.com.

« À chaque fois qu’un iOS sort, on tremble un peu »

En attendant leur futur bâtiment, les équipes continuent d’adapter les pôles en fonction de la demande, des stocks reçus, et des nouveaux appareils qu’ils n’ont pas designés. « Le reconditionné oblige à constamment s’adapter. On peut avoir des MacBook avec claviers américains – qui ont une touche en plus que le clavier français qu’il va falloir supprimer ». Le hardware est loin d’être le seul défi à surmonter. « À chaque fois qu’un iOS sort, on tremble un peu. On découvre souvent que tout n’est pas marqué clairement. On a des petites surprises » qu’il va falloir dépasser, renchérit le PDG de Reborn qui ne perd jamais une occasion de tester directement des pièces détachées sur son smartphone.

En période de rush, il arrive d’ailleurs que le quadragénaire, tout comme son directeur de site, mettent les mains dans le cambouis dans un des pôles du plateau de production. Une polyvalence qui pourrait devenir plus rare lorsque « l’ambition européenne » sera enclenchée, et qu’un haut building s’élévera sur la dernière rue de la zone industrielle de Carros-Le Broc.

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