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Mort en direct du streamer Jean Pormanove : « Il n’y a pas de bouton rouge pour fermer un site », déclare la ministre du Numérique

Lundi 18 août, Jean Pormanove perdait la vie en direct sur la plateforme Kick : un drame qui a suscité de nombreuses réactions politiques mêlant accusations tous azimuts et propositions plus ou moins réalistes pour « responsabiliser » les plateformes ou pour couper leur accès.

Le retour du « concours Lépine » des idées pour mettre fin au Far West numérique ? Depuis la mort en direct du streamer Jean Pormanove sur la plateforme controversée Kick, les réactions de la classe politique s’enchaînent. Entre les accusations d’inaction et les propositions de loi plus ou moins réalistes pour éviter qu’un tel drame se reproduise, Clara Chappaz, la ministre déléguée à l’IA et au Numérique, a affirmé ce vendredi 22 août qu’« il n’y a pas de bouton rouge ». « La réalité du monde numérique dans lequel on est, c’est qu’on ne peut pas décider, en tant que ministre, en appuyant sur un bouton, de fermer un site », a-t-elle ajouté sur Franceinfo.

La ministre était interrogée sur sa réactivité : ses services avaient été avertis en décembre 2024 des sévices infligés à Jean Pormanove et d’autres streamers sur Kick par Mediapart, en amont de la publication d’une enquête du média d’investigation. Sa déclaration a d’ores et déjà été contestée par plusieurs spécialistes du sujet, sur les réseaux sociaux.

Pour l’avocat spécialiste du Numérique Alexandre Archambault qui s’exprimait sur son compte X ce jour, « un ministre peut tout à fait solliciter un juge pour faire fermer / bloquer rapidement un site. Cela s’appelle l’article 6-3 de la LCEN, (…) déjà actionné par un ministre de l’Intérieur (à l’époque 6 I 8 LCEN) ». Dit autrement, un membre du gouvernement peut demander au président du tribunal judiciaire de prescrire « toutes les mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne », comme une plateforme.

Plus de moyens pour l’Arcom, de l’IA pour modérer les plateformes…

Pour Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, il faut « trouver des moyens pour faire en sorte que ces plateformes, y compris étrangères, soient mises devant leurs responsabilités », a-t-il déclaré à BFM TV ce vendredi. Depuis plusieurs jours, plusieurs politiques ont justement proposé de nouvelles lois ou de nouvelles mesures parfois déconnectées de la réalité, pour éviter qu’un tel drame se reproduise.

Arthur Delaporte (PS), le président de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok, a demandé sur X à ce que l’Arcom soit dotée de davantage de moyens, pour faire appliquer le DSA, le règlement européen sur les services numériques. L’autorité, qui a la fonction de coordinatrice chargée de mettre en œuvre ce texte en France, avait bien été saisie en février dernier par la Ligue des droits de l’Homme. Mais faute de représentant légal au sein de l’Union européenne (l’entreprise australienne Kick n’avait désigné personne jusqu’au mercredi 20 août, soit deux jours après le drame), aucune procédure n’avait été lancée.

De leur côté, les Républicains plaident pour que les plateformes « intègre(nt) un dispositif d’intelligence artificielle, auditable par les autorités compétentes, capables de filtrer en temps réel les contenus interdits ». Pour rappel, le DSA impose déjà à ces dernières de retirer rapidement les contenus illicites, mais via des modérateurs (humains). Or selon la ministre déléguée à l’IA et au Numérique qui s’exprimait sur Franceinfo, il n’y aurait aucune personne parlant français chez Kick, dans les 75 personnes assurant la modération de la plateforme.

Dépistage, interdiction et noir et blanc

Gabriel Attal, ex-premier ministre, a, de son côté, republié ses idées sur le sujet, sur son compte X. L’homme politique prône notamment « des dépistages de l’addiction aux écrans (…) à l’entrée du collège et (…) au lycée » et « l’interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans » – une interdiction qui serait en pratique difficilement applicable. L’homme politique propose également un « passage en noir et blanc » des vidéos au-delà de 30 minutes de visionnage.

À lire aussi : Supprimer les VPN, lever l’anonymat sur Internet… Pourquoi nos politiques proposent-ils des idées irréalistes ?

À côté de ce patchwork de propositions, souvent émises après des drames, l’inaction de la plateforme Kick a aussi été quasi unanimement critiquée. La plateforme, connue pour sa modération plus souple que ses concurrentes, est accusée de ne pas avoir réagi après la diffusion en direct et pendant des années des sévices physiques infligés à Jean Pormanove (et d’autres). Les tensions sont d’ailleurs montées d’un cran entre les autorités françaises et la plateforme australienne ce vendredi, puisque Kick, qui avait suspendu l’accès au contenu de la chaîne du streamer, l’a finalement rétablie jeudi, au grand dam de l’Arcom, rapporte l’AFP ce jour. 

Selon le DSA, les plateformes sont pourtant censées « notifier tout soupçon d’infraction pénale aux autorités », a déclaré la Commission européenne à Contexte, ce vendredi 22 août. D’autres politiques ou experts du numérique demandent, plutôt que de nouvelles lois, davantage de moyens pour les services de police et pour les autorités en charge du numérique dans le pays.

Le streamer, de son vrai nom Raphaël Graven, est mort en direct dans la nuit de dimanche à lundi dernier près de Nice : l’ancien militaire de 46 ans servait depuis des années de souffre-douleur à deux autres streamers, Safine (Safine Hamadi) et Narutovie (Owen Cenazandotti), dans des directs diffusés sur Kick.

Une enquête a été ouverte pour « recherche des causes de la mort », après une première enquête lancée en décembre dernier suite à la publication de l’enquête de Mediapart. L’autopsie a révélé que la mort n’était « pas en lien avec l’intervention d’un tiers ».

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