Tout a commencé par une enquête menée conjointement par le quotidien britannique The Guardian, le magazine israélo-palestinien +972 Magazine et le média d’investigation Local Call. Leur travail, dont les premières révélations remontent à janvier 2025, a mis en lumière que l’armée israélienne s’appuyait largement sur des services cloud et IA du géant américaine Microsoft.
Plus précisément, l’enquête ciblait les pratiques de l’unité 8200, une branche du renseignement militaire israélien. Cette dernière, présentée comme l’équivalent israélien de la NSA, aurait exploité le cloud Azure de Microsoft pour bâtir un système de surveillance d’une ampleur considérable, capable d’ingérer jusqu’à « un million d’appels téléphoniques par heure » en provenance de Gaza et de Cisjordanie. Selon les sources citées dans l’enquête, ces informations interceptées servaient notamment à préparer des frappes aériennes.
La réponse de Microsoft : « pas de technologie pour la surveillance de masse »
Face à la polémique, Microsoft a finalement lancé une enquête interne et les conclusions sont sans appel. Dans une note adressée à ses employés, Brad Smith, le président de l’entreprise américaine, confirme la situation.
« Bien que notre examen soit toujours en cours, nous avons trouvé des preuves qui corroborent certains éléments du reportage du Guardian », explique-t-il. « Nous avons informé le ministère israélien de la Défense de notre décision de résilier et de désactiver certains abonnements et services, y compris leur utilisation de technologies de stockage cloud et d’IA. »
Le géant américain ajoute : « Nous ne fournissons pas de technologie pour faciliter la surveillance de masse de civils ». Brad Smith précise cependant que cette décision ciblée ne remet pas en cause les autres contrats liant Microsoft au gouvernement israélien, notamment en matière de cybersécurité. Le dirigeant rappelle au passage : « Microsoft n’est ni un gouvernement ni un pays. Nous sommes une entreprise. Comme toute entreprise, nous décidons des produits et services que nous proposons à nos clients. »
Une victoire en demi-teinte pour les militants
Cette décision n’arrive pas de nulle part. Elle est le fruit de plus d’un an de mobilisation intense de la part d’employés et de groupes militants comme « No Azure for Apartheid ». Manifestations au siège de Microsoft, interruptions de conférences et même un sit-in dans le bureau de Brad Smith ont rythmé les derniers mois. Cinq employés ont d’ailleurs été licenciés suite à ces actions, rappelle The Verge.
« La nouvelle d’aujourd’hui est une victoire significative et sans précédent pour notre campagne », explique Hossam Nasr, un organisateur du groupe. C’est en effet la première fois qu’une grande entreprise technologique américaine retire l’accès à ses outils à l’armée israélienne depuis le début du conflit à Gaza.
Cependant, le groupe militant tempère son enthousiasme. « La grande majorité du contrat de Microsoft avec l’armée israélienne reste intacte », précise Hossam Nasr. Pour eux, le combat est donc loin d’être terminé.
Et maintenant, où iront les données ?
Alors que Microsoft vient de fermer le robinet, une question demeure : qu’advient-il de cette montagne de données ? D’après les sources du Guardian, l’armée israélienne n’a pas perdu de temps. Près de 8 To de données auraient déjà été transférées hors des serveurs Azure.
La destination la plus probable serait Amazon Web Services (AWS), le principal concurrent de Microsoft. Si l’information se confirme, l’affaire ne ferait que déplacer le problème chez un autre titan de la Silicon Valley. Contacté, Amazon n’a pour l’instant fait aucun commentaire.
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