Note de la rédaction : cet article, publié le 25 août, a été modifié ce mercredi 27 août, pour insérer deux commentaires de YouTube, dont l’un a trait à la possibilité d’échapper à cette expérimentation.
Un maquillage plus prononcé, une peau plus nette, des ombres plus marquées… Depuis plusieurs mois, des utilisateurs de YouTube ne parvenaient pas à comprendre ce qui clochait dans les derniers contenus postés sur la plateforme de partage de vidéos. Après avoir été mises en ligne, ces dernières semblaient retouchées automatiquement, donnant la fausse impression qu’elles avaient été générées par l’intelligence artificielle.
Cette mésaventure a été vécue par « Mr. Bravo », un artiste dont la particularité est de publier des vidéos présentant « une esthétique authentique des années 80 » selon ses termes. Ce dernier raconte ainsi, sur Reddit, avoir vu ses vidéos modifiées, après avoir été initialement publiées sur YouTube. Alors qu’« une grande partie du charme des vidéos réside dans leur aspect VHS et leur qualité vidéo granuleuse (…) », YouTube aurait rendu son contenu plus lisse. Même son de cloche chez deux autres YouTubeurs spécialisés dans la musique, Rhett Shull et Rick Beato.
« Je pense que cela va amener les gens à penser que j’utilise l’IA pour créer mes vidéos. Ou qu’il s’agit d’un deepfake. Ou que je prends des raccourcis d’une manière ou d’une autre », regrette Rhett Shull, qui a publié une vidéo (en anglais) à ce sujet sur la même plateforme. « Cela va inévitablement éroder la confiance des spectateurs dans mon contenu », regrette-t-il.
« Une expérimentation sur certaines vidéos YouTube Shorts »
D’autres créateurs se sont plaints d’étranges modifications de leurs vidéos, une fois en ligne. De quoi faire finalement réagir YouTube, qui a fini par jeter un pavé dans la mare en déclarant, le 20 août dernier, qu’elle procédait bien à une expérimentation, toutefois limitée à certains Shorts, la fonctionnalité de vidéos courtes de la plateforme. Dans un message publié sur X, la société qui appartient à Google a confirmé qu’elle modifiait bien un nombre limité de Shorts. Il s’agirait d’une expérimentation qui n’impliquerait nullement l’IA générative, précise-t-elle.
« Nous menons une expérimentation sur certaines vidéos YouTube Shorts qui utilise une technologie traditionnelle d’apprentissage automatique pour rendre les vidéos plus nettes, réduire le bruit et améliorer la clarté pendant le traitement (similaire à ce que fait un smartphone moderne lorsque vous enregistrez une vidéo) », a déclaré Rene Ritchie, responsable de la rédaction et des relations avec les créateurs chez YouTube. « YouTube cherche en permanence à offrir la meilleure qualité vidéo et la meilleure expérience possible, et continuera à prendre en compte les commentaires des créateurs et des spectateurs à mesure que nous améliorons ces fonctionnalités », a-t-il ajouté.
No GenAI, no upscaling. We're running an experiment on select YouTube Shorts that uses traditional machine learning technology to unblur, denoise, and improve clarity in videos during processing (similar to what a modern smartphone does when you record a video)
YouTube is always… https://t.co/vrojrRGwNw
— YouTube Liaison (@YouTubeInsider) August 20, 2025
Les créateurs de contenus peuvent-ils échapper à ces modifications ? Vraisemblablement… non
Les utilisateurs peuvent-ils refuser ces modifications ? Interrogé par 01net.com, un porte-parole de la plateforme de streaming a simplement déclaré qu’il s’agissait d’une expérimentation sur les Shorts « utilisant une technologie d’amélioration des images pour rendre le contenu plus net. Ces améliorations ne sont pas réalisées à l’aide d’une IA générative ». Mais mardi 26 août, le même Rene Ritchie, en charge des relations avec les créateurs chez YouTube, a publié un autre tweet, indiquant que la plateforme « travaill(ait) actuellement sur une option permettant de désactiver ces fonctionnalités », un « opt-out ». Ce qui signifierait, a contrario, que les créateurs ne peuvent pas (encore) y échapper.
Creators, we’ve heard your feedback on YouTube’s deblurring and denoising Shorts. There's a lot of good stuff coming in that pipeline, tbh. But if it's not for you, we’re working on an opt-out. Stay tuned! https://t.co/TYmF0WQVyn
— YouTube Liaison (@YouTubeInsider) August 26, 2025
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Ici, on a donc « une entreprise qui manipule le contenu des principaux utilisateurs, qui est ensuite diffusé à un public sans le consentement des personnes qui produisent les vidéos », s’alarme Samuel Wooley, spécialiste de la désinformation et professeur associé à l’université de Pittsburgh aux États-Unis, interrogé par la BBC, dimanche 24 août.
Pour le chercheur, « l’utilisation du terme “apprentissage automatique” est une tentative de passer sous silence le fait qu’ils ont utilisé l’IA, en raison des inquiétudes suscitées par cette technologie. L’apprentissage automatique est en fait un sous-domaine de l’intelligence artificielle », rappelle-t-il. Pour l’expert, l’utilisation de l’IA à l’insu des utilisateurs est bien problématique.
Un tournant pour les plateformes ?
« Les gens se méfient déjà du contenu qu’ils trouvent sur les réseaux sociaux. Que se passera-t-il s’ils apprennent que les entreprises modifient le contenu de manière unilatérale, sans même en informer les créateurs eux-mêmes ? », questionne-t-il. L’objectif de l’expérimentation est-il de « nous habituer à l’aspect de l’IA, et à finir par le considérer comme normal », interroge un internaute, cité par The Atlantic.
Il s’agit néanmoins d’un tournant pour les réseaux sociaux qui proposent désormais des fonctionnalités d’IA générative à leurs utilisateurs : AI Studio sur Instagram, « Your Daily Video Generations » sur TikTok, des images originales à partir de selfies sur Snapchat… Un comble pour ces plateformes qui devaient permettre aux internautes de partager des expériences et des performances personnelles. Après le « Broadcast Yourself » (Diffusez-vous), le slogan de YouTube jusqu’en 2013 qui faisait des vidéos amateurs sa marque de fabrique, la plateforme serait-elle en passe de nous faire « consommer » des contenus uniformisés ?
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